La supply chain a un problème de bullshit - et Gartner en est le symptôme le plus flagrant
Pourquoi les pros de la chaîne d’approvisionnement réclament un retour au concret
Arthur Mesher n’a pas seulement assisté au dernier symposium de Gartner. Il l’a dynamité.
Dans un post LinkedIn aussi brutal qu’éloquent, le fondateur du pôle supply chain de Gartner a traité l’événement de “tornado echo chamber of buzzword bingo” — autrement dit, une tornade d’auto-persuasion, pleine de mots creux et de jargon.
Ce n’était pas un coup de gueule de vieux briscard. C’était un manifeste. Un cri d’alarme contre l’inflation des promesses, la confusion des priorités et l’illusion que l’IA va tout résoudre.
Et vu les douzaines de commentaires, il a touché un nerf.
Gartner et la mascarade du modèle “pay-to-play”
Eric Pong l’a bien résumé : “En interne, on appelle ça le business model des récompenses. Celui qui paie est celui qui gagne.”
Beaucoup d’autres partagent ce constat. Bonnie Ravina a rappelé que pour les startups étrangères, se faire connaître via Gartner revient à “payer le droit d’entrée”. Et que cet argent aurait pu servir à recruter ou développer un vrai produit.
Bref : objectivité vendue au plus offrant.
L’industrie étouffe sous les promesses non tenues
IA agentique. Orchestration e2e. Optimisation prédictive. Les mots sont jolis. Mais personne ne sait ce qu’ils recouvrent.
Phil Fersht parle de “buzzword bingo”. Lora Cecere, analyste chevronnée, affirme que Gartner “sert les retardataires technologiques”. Mo Abuali dit que ce n’est pas nouveau : les analystes vendent du vent depuis longtemps.
Et Anthony Miller rappelle à tous l’exemple du projet “Movement” de Project44. Une révélation théâtrale, sans lendemain.
83 % des projets échouent. Et alors ?
PwC l’a publié noir sur blanc : 83 % des projets de digitalisation supply chain ne tiennent pas leurs promesses.
Pourquoi ? Parce qu’on vend des rêves hors sol à des décideurs mal préparés.
Matthew Spooner l’a bien résumé : les entreprises délèguent la réflexion stratégique à des éditeurs de logiciels. Elles achètent des outils avant d’avoir défini leur stratégie. Elles adoptent l’IA sans avoir nettoyé leurs données.
L’IA n’est pas magique. C’est un miroir.
Plusieurs intervenants ont souligné que l’IA, sans gouvernance, ne fait qu’amplifier le chaos.
JP Wiggins compare ce cycle à la bulle Internet. Michael Lamoureux cite une étude de Bain : le taux d’échec des projets tech n’a jamais été aussi élevé – justement à cause de cette obsession pour l’IA miracle.
Et Patrick Byrne conclut : “Trop d’incertitude paralyse les décisions. Trop de fausse certitude les rend mauvaises.”
Ce qu’il faut : des bâtisseurs, pas des slogans
Certains commentaires apportent une lueur d’espoir. Amin Omidvar plaide pour des tests contrôlés avant le déploiement de nouvelles techs. Aviv Castro affirme qu’il apprend plus de ChatGPT que d’un analyste. Et Hugo Fuentes rappelle que les fondamentaux de la supply chain sont toujours là. Ce n’est pas le contexte qui manque, c’est le courage de s’y confronter.
Une communauté fatiguée – mais prête à parler vrai
Ce qui rend cette discussion unique, c’est que des dizaines de professionnels ont osé dire tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas.
Assez d’être vendus comme des produits. Assez d’écouter des consultants qui ne comprennent pas les bases. Assez d’un système où les analystes jugent des fournisseurs… qu’ils conseillent aussi.
Et surtout : assez d’excuses pour ne pas faire le travail.
Retour aux fondamentaux, et vite
Kristen Daihes l’a dit clairement : “Il y a encore TELLEMENT à faire en enablement pragmatique. Mais ça n’intéresse personne si on ne met pas GenAI en titre.”
Shabbir Ahmed appelle à une règle simple : ne vendez pas de solutions supply chain si vous n’avez jamais bossé en planification ou en entrepôt.
Et Sandy T. ajoute que nombre de consultants en IA ne comprennent même pas les bases de la supply chain.
Et maintenant, on fait quoi ?
Arthur Mesher annonce que c’est peut-être sa dernière sortie publique. Si c’est le cas, il a frappé fort.
Mais au lieu de le lire comme une fin, on ferait mieux d’y voir un début. Le début d’un mouvement pour une supply chain lucide, stratégique et honnête.
Celle qui remet le bon sens avant les dashboards.
Celle qui écoute les opérateurs avant les vendeurs.
Celle qui arrête de confondre technologie et transformation.
Et vous, qu’en pensez-vous ?
Avez-vous participé à un événement Gartner ? Vous a-t-il aidé à prendre de meilleures décisions ?
Est-ce que l’industrie est prête à dire stop au bullshit ?
Partagez vos commentaires, vos doutes, vos expériences. La discussion commence ici.