Quand les paiements aux fournisseurs sont en retard : le vrai test du leadership en achats
Pourquoi gérer la confiance des fournisseurs pendant une crise de trésorerie demande bien plus qu’un simple message transparent
Soyons honnêtes : rien ne met plus à l’épreuve un professionnel des achats qu’un paiement en retard à un fournisseur. C’est gênant, tendu, et vous vous retrouvez coincé entre deux mondes : la réalité financière de votre entreprise, et l’attente – souvent urgente – de vos fournisseurs.
Le post de Mohamed Abdulrahim a trouvé un écho profond dans la communauté. Son approche en 6 étapes pour gérer les relations fournisseurs pendant les retards de paiement, fondée sur la transparence, la priorisation et la collaboration interne, a résonné avec des dizaines de professionnels. Mais ce qui a donné toute sa valeur à son post, ce sont les commentaires.
Les professionnels n’ont pas seulement approuvé – ils ont enrichi le débat. Ce qui suit est une synthèse critique de cette discussion collective, intégrant des dizaines de témoignages concrets, d’idées complémentaires, et de questions qui dérangent.
1. La communication ne suffit pas : elle est essentielle
Presque tous les commentaires convergent sur ce point : il faut parler. Pas pour sauver la face, mais pour construire la confiance. Comme le rappelle Kunal Dewan, la transparence en période difficile crée plus de liens que les excuses en période de confort.
Mhosa M. va plus loin : une mauvaise nouvelle annoncée à temps devient une information maîtrisable. Cachée, elle devient une bombe.
Maxime Piguet ajoute une nuance importante : si vous savez qu’un fournisseur est en difficulté de trésorerie, c’est aussi votre responsabilité d’anticiper. Sinon ? Il ira chercher un prêt bancaire à fort taux… et ce coût supplémentaire, devinez qui le paiera plus tard ?
2. Qui vous payez en premier raconte toute votre stratégie
Amod Jha propose une grille d’analyse très concrète : appliquez le principe de Pareto. Payez les 80 % de fournisseurs les plus vulnérables en premier. Les 20 % les plus solides peuvent attendre, parfois 30 ou 60 jours, sans tomber.
Faseeh Muhammad suggère d'aller encore plus loin : utilisez les horodatages, les workflows et les données internes pour détecter précisément d'où vient le blocage. Finance ? Technique ? Facture manquante ? Réparez le système, pas juste le symptôme.
3. L’achat, ce n’est pas une transaction : c’est une alliance
Plusieurs commentaires l’ont souligné : être un bon acheteur, c’est être un partenaire fiable. Prananda Aridya Budiawan le dit simplement : nous ne sommes pas juste des acheteurs. Nous sommes des partenaires. Et c’est dans les crises qu’on mesure une vraie relation.
Farhan Farrukh Chaudhry enfonce le clou : quand une relation fournisseur est forte, un retard est gérable. Sinon, elle explose.
Mais ne vous y trompez pas : être partenaire, ce n’est pas tout accepter. Richard Struthers prévient : si vous payez en retard trop souvent, les fournisseurs vous le feront payer… en gonflant leurs prix. Vous ne pouvez pas exiger la lune, et ignorer vos dettes.
4. Et si le problème venait de vous ?
Rajan Gupta n’y va pas par quatre chemins. Dans le secteur du BTP, dit-il, la direction considère souvent que les achats doivent « se débrouiller ». Les fonds sont alloués ailleurs (salaires, impôts, projets), et les fournisseurs ? Ils n’ont qu’à attendre.
Gaurav G. pose LA vraie question : pourquoi les paiements sont-ils en retard ? Avant de chercher à gérer la crise, commencez par l’expliquer.
5. Quand la confiance est déjà rompue
Abdullah Elshafie soulève une inquiétude majeure : que faire quand les retards deviennent une habitude ? Quand il n’y a plus de « promesse d’avenir » à offrir au fournisseur ?
C’est là que les achats doivent passer en mode gestion de crise. P. Balavignesh propose plusieurs leviers proactifs :
Segmenter les fournisseurs par niveau de risque, pas seulement par criticité.
Créer un historique de confiance en payant en avance quand c’est possible.
Offrir des valeurs non financières (témoignages, visibilité, engagement futur).
Utiliser le reverse factoring, si la note de crédit de l’entreprise le permet.
Définir un plan d’urgence achats : messages préparés, process validés, fournisseurs alternatifs identifiés.
6. Les achats : cœur stratégique de l’entreprise
Trésor K. résume bien la chose : les achats sont à la croisée des chemins entre continuité opérationnelle et gestion relationnelle.
Slim Ben Romdhane insiste : quand la finance sabote la relation fournisseur, ce n’est pas juste frustrant. C’est destructeur. Tous les mois d’efforts pour construire un climat de confiance s’effondrent en quelques jours.
C’est plus qu’un sujet de paiement. C’est un risque organisationnel.
7. Des solutions concrètes, testées sur le terrain
Plusieurs idées très concrètes ont été partagées :
Reverse factoring : faire intervenir un tiers pour payer le fournisseur, tout en prolongeant vos propres délais.
Buffet de confiance : payer tôt en période faste pour « capitaliser » sur la relation.
SOP de crise : process définis à l’avance pour éviter la panique.
Incentives non monétaires : recommandations, études de cas, engagements futurs, etc.
8. Ghoster un fournisseur, c’est comme ghoster un ami : c’est une erreur
Un message fort ressort de tous les témoignages : ne jamais ignorer un fournisseur.
Khalid Shaikh le dit sans détour : même si vous n’avez pas de solution immédiate, appelez. Expliquez. Le silence détruit. L’attention entretient la confiance.
Conclusion : Et vous, quel type d’acheteur voulez-vous être ?
Un retard de paiement peut arriver à tout le monde. Mais la manière dont vous le gérez dit tout de votre posture professionnelle.
Avez-vous le courage de remonter l’info ? De protéger vos fournisseurs ? De challenger la finance ? Ou restez-vous dans l’ombre, en espérant que le fournisseur tiendra bon sans vous ?
La discussion lancée par Mohamed nous rappelle une vérité simple : les achats ne sont pas qu’un centre de coût. Ce sont une voix. Et il est temps que cette voix soit entendue — dans l’entreprise comme chez les partenaires.
Et vous ?
Comment gérez-vous les retards de paiement avec vos fournisseurs ? Quelles méthodes ont fonctionné (ou échoué) dans votre expérience ? Partagez vos idées en commentaire et rejoignez la discussion.